La Donzelenche : Mas cévenol qui abritait près de 40 personnes au
17e siècle. Sauvée des guerres de religion car un pasteur y vivait,
lovée dans un repli de la vallée baignée par le Luech, ponctuée de champs clos
de murets de pierre sèche, La Donzelenche vient de ressurgir de la mer de
châtaigniers qui l’avait envahi au fil des siècles. Ressuscitée par Eva Roelofsen
et Hans Brandt, hollandais amoureux de ce coin de terre lozérienne, les travaux
de réhabilitation qu’ils mènent depuis 2006 ont été récompensés par le
1er prix en 2010 pour la « Sauvegarde du patrimoine rural en
Lozère » organisé par les Maisons paysannes de Lozère. Lieu à
l’architecture d’exception, La Donzelenche allie agriculture, art, artisanat
d’art et tourisme avec gîtes et chambres
d’hôtes.
Une histoire gravée dans la pierre
Les Donzel apparaissent dès 1358 à « Las Donsoleches », dans
le mandement du château de Montclar.
1440, Jean Donzel achète la moitié de la métairie.
1581, Antoine Donzel vend à Pierre Verdier qui vient de se marier.
Pierre Verdier, officier viguier au marquisat de Montclar va reconstruire tout
le Mas en 1591. Et en 1595, il obtient le droit de placer son emblème au-dessus
de l’entrée : trois nids de verdier en triangle.
Ces deux dernières dates, essentielles dans la construction de cette
ferme fortifiée, on les retrouve gravées dans la pierre.
L’une sur l’immense voute du cantou, dans cette cuisine hors du temps où
la poterne pivotante qui amenait le païrol du puits intérieur jusqu’au-dessus
du feu témoigne du raffinement avec lequel a été conçu ce mas cévenol.
L’autre, à l’entrée du porche qui ouvre sur la cour intérieure abritée
des terribles vents hivernaux.
Al cap de 400 ans
400 ans plus tard, Eva Roelofsen et Hans Brandt, attirés par
l’authenticité et la richesse historique de ce creux de vallée, tombent
amoureux de la Donzelenche. Comme une réminiscence inexplicable.
Ils vont acheter une ruine sans toit ni fenêtres, où la nature a depuis
des décennies repris ses droits.
Friands d’évasion estivale atypique, ils vont très vite se rendre compte
de la somme de travail demandée par le lieu pour le rendre vivable.
Eva, psychologue sociale, et Hans, architecte, vont alors vendre leur
très belle maison de Groningen, aux Pays-Bas, pour s’installer en tant que
paysans sur ce coin de terre qui leur a envahi le cœur.
Fin 2005, chiens, chats, poules, bagages, containers… et enfants
arrivent avec eux à La Donzelenche pour un rude premier hiver tel que les
Cévennes en sont coutumières.
Sans eau chaude mais avec la passion chevillée au corps, ils vont, pierre
à pierre, remonter chaque mur à l’identique.
Cette vie quasi médiévale est en pleine osmose avec la créativité d’Eva.
L’élevage de chèvres mohair, les plantations pour fabriquer ses propres
teintures, le travail artisanal du feutre lui permettent enfin d’exprimer sa
fécondité créatrice, véritable aboutissement de vie.
Hans, lui, va exploiter toutes les facettes de ses talents d’architecte
de terrasses recouvertes de treilles aux petites tables ponctuant les
cours ; de salles de bains aux sols de galets polis par les ruisseaux
glaciaires aux escaliers taillés à même la roche ; de dalles de schiste érodées aux poutres
de bois brut. Tout à La Donzelenche porte le reflet de l’environnement quasi
magique qui habite l’espace.
La Donzelenche, étape cévenole d’exception
Quand les arbres parlent aux pierres, les lauzes réveillent le mica du
granit.
Quand les courettes ressurgissent du néant pour rafraîchir la torpeur
d’un été vibrant, le marcheur enivré du vrombissement des cigales passe le
porche voûté.
Quand le ruissellement du rocher surprend, dans le cadre insolite d’une
salle de bains enchâssée dans la roche.
Quand les poutres noircies du cantou font écho aux arcs romans abritant
le four à pain et que la tête d’un chapiteau alimente en eau la vasque creusée
dans la pierre brute.
Quand Hans, après avoir monté encore et encore des murets de pierre
sèche, met son imagination au service d’un bonheur culinaire qui rend la plus
simple des salades aussi raffinée qu’un savoureux magret de canard au porto.
Alors, le temps s’arrête. Le soleil rougeoyant vient frôler
nonchalamment les murs granitiques en les inondant d’orangé. Les terrasses, en
surplomb d’une verte immensité, semblent suspendues au-dessus du monde.
Si le paradis est sur terre, La Donzelenche doit en faire partie.
Marie-Luce de Bozom